S’il y a bien un sujet en ce moment qui anime les discussions entre les enseignes et leurs agences de communication, c’est bien l’image prix. Et pour cause, l’agressivité commerciale n’a jamais été aussi intense et la bataille du prix aussi présente.
Les fortes variations économiques que nous venons de vivre, ont conduit mécaniquement à un alignement des stratégies. Dans tous les secteurs, les acteurs mettent en scène le même volontarisme sur les prix bas. Et c’est d’autant plus une priorité que 70% des consommateurs disent comparer systématiquement les prix avant d’acheter un produit non essentiel (Nielsen 2024).
Tout le monde ou presque décline les mêmes leviers de générosité, les mêmes mécaniques promotionnelles. Tout le monde utilise les mêmes adjectifs, superlatifs, préfixes, suffixes associés au mot « prix » pour le charger en performance.

Et personne ne manque d’imagination pour inventer quelques "savantes" appellations, plus ou moins propriétaires, pour affirmer l'unicité de ses prix : Prix Casto, Prix Dépôt (Brico Dépôt), Record à Battre (Conforama), Bon prix Gifi, Top Auchan, Prixfranc, Bon plan Stoko, Alerte Discount ...

Cet activisme tous azimuts autour des mêmes promesses de générosité, a des effets sur la confiance des consommateurs. 79% d’entre eux pensent en effet que le prix ne traduit pas la valeur réelle d’une marchandise mais une valeur aléatoire contestable (Observatoire de la promotion 2021). Pas sûr alors que cette agitation puisse rebattre les cartes sur qui est le moins cher.
L’IMAGE PRIX, CA NE SE DECRETE PAS, CA SE CONSTRUIT.
Dans ce contexte d'uniformité, façonner son image prix pour en faire un asset structurel, n'est pas chose facile. Être discipliné et avoir de la suite dans les idées constituent sans doute les vraies priorités.
A/ LE BESOIN DE RESTER LUCIDE
On se souvient de cette tentative de Castorama en 2019 de s’autoproclamer le moins cher, mettant en avant son nouveau positionnement EDLP (Everyday low price). Fini les promos, fini les prix qui fluctuent au grès des saisons. Place aux prix bas tous les jours. Le retour illico presto à une stratégie HILO a clairement montré à ceux qui en doutaient, que n’est pas EDLP qui veut. Qu'un joli power point ne peut changer l’inertie d’une image qui s’est construite au fil du temps.

L’image prix ça commence donc par un juste diagnostique et une analyse des forces en présence. Ça paraît bête à dire, mais cet instant de lucidité est loin d’être de mise.
B/ LA PERSEVERANCE EST UN PRÉREQUIS
Chez Casino, il y a bien eu une certaine persévérance, mais dans l’inconstance. A force de tester l’élasticité du consommateur au prix, l’élastique s’est cassé.

S’il faut beaucoup de persévérance, c’est que l’image prix connaît une forte inertie. En 2021 Auchan occupait la 4ème place (hors HD) dans le classement de l’image prix. Et pourtant au même moment, son indice « prix » sur A3 Distrib le plaçait en 11ème position.

Et que dire de « l’injustice » que vit depuis pas mal de temps la Coopérative U ! Bien installée juste derrière Leclerc sur A3 distrib, elle se place derrière Intermarché ou Carrefour sur Kantar !

Et ce n’est pas faute d’avoir mis le « prix » au cœur de toute sa communication et jusque dans sa signature. Un rapide décompte réalisé en 2024 montrait que 57% des couvertures de ses tracts, mentionnaient le mot « prix » dans leur éditorialisation. Zero chez Intermarché.

Bref, l’image prix, ça ne bouge pas très vite et seul beaucoup de persévérance peut donner des résultats. Ça fait 75 ans que Leclerc l’a compris.

C/ LA COHÉRENCE À TOUS LES ÉTAGES
L’image prix a besoin de cohérence. Plus la structure de prix est lisible, mieux le consommateur peut se faire une idée de la performance prix d’une l’enseigne.

Ce besoin de cohérence doit se retrouver sur l’ensemble des touch points et des formats pour avoir une chance de s'imposer. Même si ça date un peu, le cas Carrefour Planet a fait la démonstration des conséquences d’un traitement de la valeur/prix à géométrie variable.

D/ LE RECOURS À DES MARQUEURS PROPRIÉTAIRES
Parfois, l’image prix se construit sur des marqueurs forts historiques. Le prix de la banane chez Trader Joe’s, les roses à l’entrée chez Cora… viennent illustrer d'une façon simple et immédiate, l’engagement sur les prix de ces enseignes.

Les MDD peuvent aussi être un bon cheval de Troie pour faire la démonstration d’une supériorité sur la valeur/prix. Monoprix, Essentiel B chez Boulanger ou encore Parkside chez LIDL en sont de bons exemples.

Il y a aussi la générosité ressentie d’un programme de fidélité. Le programme gratuit proposé par l’enseigne Starbucks (Starbucks Reward) offre des avantages simples mais convaincants dès les premiers achats. Pas étonnant alors que le programme pèse 53% des achats. Dans le même genre, on peut aussi citer McDonald, qui a mis en place un système de fidélité dans certains points de vente franchisés, récompensant les clients après quelques euros de dépense seulement.

Enfin le recours à des actes d’exagération forts peut bousculer une image prix. Mais à la condition qu’ils se répètent à un rythme compris par le consommateur. Mention spéciale ici au coup réalisé par LIDL lors de sa Foire aux Vins en 2016 avec son Chateau Yquem à un prix qui a dû faire hurler les producteurs...

E/ RIEN NE VAUT UN BON STORYTELLING
Si le prix est au centre de toutes les conversations et si tout le monde se proclame le moins cher, certains savent expliquer pourquoi ils le sont. C’est par exemple le cas d’IKEA dont les prix sont bas parce que le consommateur est mis a contribution (le fameux libre service), L’enseigne Suédoise aime également rappeler que le design de ses produits est pensé selon un prix cible. Et pour enfoncer le clou, elle a eu recours à une stratégie de produits héros à des prix détonants.

Autre exemple d'un storytelling intéressant, celui que l’on devine derrière le « Producteur, Commerçant » d’Intermarché. Une façon de nous dire : quand il y a moins d’intermédiaires, c’est forcément moins cher. Quant au hard discount, il n’a pas besoin de longs discours pour expliquer la performance de ses prix. Le merchandising, l’organisation de l’espace, l’absence d’ambiance musicale ou de PLV dans les magasins, contribuent à nous raconter ses prix bas.

Lucidité, persévérance, cohérence, marqueurs, storytelling... mais surtout la nécessité de ne pas se disperser. Car c’est en tapant toujours sur le même clou, avec la même exigence, qu’on se donne une chance de faire progresser son image prix.